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10/10/04 Jean Martin Coly
01/10/04
CARTES

Approche du concept de culture

1re partie
Réflexion sur la culture

La notion de culture est une création de l’anthropologie du XXe siècle. Elle occupe aujourd’hui une place de choix dans les sciences humaines et les débats publiques. C’est un concept qui suscite un interminable débat entre l’universel et le particulier.

Quelles définitions ?

La définition du concept de culture semble a priori impossible, tant l’évolution et la complexité de cette notion renvoie à des éléments qui quelquefois paraissent inconciliables.

L’approche jugée fondatrice de la notion de culture est celle proposée en 1871 par le juriste Edward B. Taylor. Cet auteur défini la « culture » ou la « civilisation » comme un ensemble de connaissances, de croyances, d’arts, de lois et de coutumes acquises par l’homme en tant que membre d’une société. Cette définition qui suppose que tout individu capable de vivre en collectivité est porteur de culture(s). Elle insiste surtout sur le caractère acquis de la culture et rejette ainsi toute perspective et toute approche du soi-disant « caractère inné » de la culture, idée qui à l’époque était largement partagée par les anthropologues.

De façon contemporaine, la notion de culture s’est développée aux dépends de deux théories :

- celle défendue dès le début du XIXe siècle pour les « anthropologues polygénistes » qui défendaient l’idée selon laquelle l’humanité proviendrait de différentes souches. Ce sont les penseurs racialistes qui pensent que les peuples sont à classer selon leur aptitude à intégrer ce qu’ils nomment «  la civilisation artistique et industrielle ». Les peuples restés proches de la nature, étant à leurs yeux « naturels » donc inférieurs sur l’échelle de l’évolution culturelle.

- l’autre thèse, dite « monogéniste » défendait l’idée de l’existence d’une seule « espèce humaine » possible. C’est le modèle issu du courant de la « Philosophie des Lumières » qui va influencer par la suite le courant évolutionniste en sociologie et en anthropologie. Il y a très peu de place pour la variation culturelle. Tous les peuples sont analysés selon une échelle allant de la sauvagerie à la modernité, en passant par la barbarie. Les peuples les moins évolués sont alors appelés « peuples primitifs ».

Quelle est l’histoire du mot culture ?


Photo © B.Lhoumeau

Ce mot apparaît au XVIe siècle pour qualifier la pratique du paysan qui cultive son champ. Il a alors une signification essentiellement liée à la terre.

Au XVIIIe siècle, son sens évolue, il devient plus lié aux lettres et s’inscrit dans l’ambiance de progrès de l’esprit. La culture désigne alors exclusivement une démarche d’acquisition de connaissances livresques. Il est alors question d’accès à la « civilisation », ce qui renvoit, en France, à l’idée d’un processus universel essentiellement tourné vers l’avenir. Ce courant de pensés exclut tout rappel aux traditions ou à l’héritage.

L’idée d’une culture propre à un groupe humain est d’origine allemande. Elle provient de l’approche développée par le philosophe allemand Johann G. Herder (1774) selon laquelle chaque peuple possède un « Volkgeist » (génie populaire), une façon de vivre qui lui est propre. En Allemagne, ce « génie » est alors incarné par la « Kulture » folklorique, littéraire et artistique des classes populaires et bourgeoises. En cela, il s’oppose à celui incarné par l’aristocratie qui prône la science et la philosophie cosmopolite.

Ainsi la « Kulture » allemande propose un nouvel usage du terme qui insiste d’abord sur les œuvres de l’esprit, la langue, la religion et la morale (par opposition à la technique) qui constituent le patrimoine particulier d’un peuple et le différencient des autres.

Cette histoire du terme en Allemagne illustre bien la multiplicité des significations que peut prendre le mot culture aujourd’hui. Selon le contexte, il peut désigner une forme de développement intellectuel (individu cultivé), une aptitude créative, des manières de penser et de faire propres à un groupe social, une tradition littéraire et artistique, un pays, une époque, un ensemble de valeurs, une étape dans l’histoire des techniques etc.

Les sciences humaines en faisant de la culture un objet d’étude et de recherche ont privilégié deux acceptions de ce terme : celle qui découlait de l’idée universelle selon laquelle l’individu possède des aptitudes à s’arracher aux contraintes de la nature et celle qui découlait de la contemplation de la diversité des mœurs, des langues et des formes de vie sociale.

Civilisations ou cultures

L’idée de constituer les cultures en objets propres s’est heurtée en France jusque dans les années 30 à une conception unitaire de la civilisation comme processus de développement unique. Emile Durkheim (sociologue) et Marcel Mauss (anthropologue) ne faisaient pas usage de la notion de culture dans leurs travaux. Ils lui préféraient celles de tribus, d’ethnies, de sociétés ou de civilisations pour désigner des collectivités distinctes. Ce qui n’a pas empêché leur œuvre de contribuer à la formation du concept moderne de culture.

Les anthropologues comme Lewis H.Morgan, M.Mauss, E.Durkheim avaient à l’époque une préoccupation principale : construire une lecture culturelle de l’humanité dégagée de tout fondement naturel, de toute explication raciale. Ils trouvent qu’il n’existe pas de peuples sans civilisation. Autre raison qui motive leur ligne philosophique, leur rencontre et l’intérêt qu’ils portent à que l’on appelait alors les « sociétés exotiques ». Ils ont été confrontés lors de leurs investigations et de leurs voyages à une diversité de pratiques et de croyances. L’intérêt de leur démarche se situe dans le fait qu’ils n’ont pas émis de jugement de valeur.

Durkheim proposait une conception communautariste de la culture. D’après lui, chaque société forme un tout surmonté d’une « conscience collective », notion qui semble anticiper la place accordée à celle de culture. Il s’inscrit ainsi en opposition au concept de « mentalité primitive » de Lucien Lévy-Bruhl.

Bronislaw Malinowski (1922) dans sa conception (création) du fonctionnalisme développe l’idée selon laquelle les arts, les croyances, les rites, les usages sociaux et techniques d’une communauté forment un tout intégré qui tend à se reproduire à l’identique. Son souci consiste à rendre compte de la cohérence interne de chaque civilisation. D’après lui, la société explique la culture et la culture explique la société. Il refuse cependant toute idée de hiérarchie entre société et culture.

Talcott Parsons tente une hiérarchisation et place au sommet de tout édifice social un « système de symboles expressifs partagés » qu’il nomme « tradition culturelle ». C’est un ensemble de valeurs et de représentations nécessaires à la vie en société. D’après lui, une action sociale est contrôlée, en dernier ressort, par un ensemble immatériel d’idées et de valeurs transmises par l’éducation. Il fonde ainsi l’idée selon laquelle la culture sous sa forme la plus abstraite est ce qui donne forme aux sociétés et assure leur reproduction.

Prochaine partie de «  Approche du concept de culture » : les apports contemporains.


 



Màj : 3/10/07 17:26
 
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