La première rencontre-débat d’Intura.net s’est déroulée le 15 octobre dernier, en présence de 25 personnes environ, au Chico Loco, restaurant latino espagnol, un des lieux de ralliement de la communauté hispanophone de Bordeaux.
Pourquoi avoir choisi ce lieu ?
Il nous a semblé que son aspect convivial servirait notre désir de faire circuler la parole.
En effet, pour les rencontres-débats d’Intura.net, nous souhaitons donner la parole aux personnes présentes. Pas de confiscation par de soi-disant experts, pas de discours pontifiant. Le plaisir simple de parler, de partager et de s’interroger sur des composantes de nos vies quotidiennes personnelles et professionnelles.
Ce que nous avions en commun ?
La certitude que les échanges entre cultures sont notre lot journalier. Le nier, le refuser ou l’éviter ne servirait à rien. Il s’agit d’une réalité et tout combat qui tendrait à la contrôler, à la normaliser ou à la refuser est d’ores et déjà un combat d’arrière-garde.
Les faits sont là. Les échanges entre cultures existent bel et bien. S’ils existent, ils influencent tous les ages et toutes les circonstances de la vie.
Chacun va vivre plus ou moins bien dans ce dialogue intime avec les diverses parties de son être. Issu d’influences culturelles distinctes ou porteur d’une culture autre, plongé dans un environnement étranger résultat d’une migration, d’un exil ou d’un choix individuel comme le mariage, par exemple, chaque être humain va développer des comportements ou des stratégies qui l’amèneront à vivre plus ou moins bien cette confrontation avec l’Autre. L’Autre qui peut être l’inconnu, celui qui est extérieur à soi ou l’Autre, autre partie en soi.
C’est ce que nous ont expliqué les deux professionnelles que nous avions choisies comme témoins pour poser les débats.
La voix des professionnelles du dialogue entre cultures
Deux parcours, deux approches de la relation entre cultures.
Anne Marie Serres, directrice d’école maternelle, nous a fait part de ses réticences à mettre en avant les différences culturelles des enfants dont elle a la charge. Pour elle, cette différenciation pourrait s’avérer dangereuse car source potentielle de stigmatisation, non pas au sein de l’école puisque les enfants n’y accordent que peu d’importance, mais par des factions politiques qui en feraient leur fonds électoral.
Pour A-M. Serres, les différences existent, mais elles sont davantage les résultantes de comportements sociaux et familiaux que d’appartenances culturelles. En revanche, elle a attiré notre attention sur cette volonté de bien faire qu’elle rencontre chez certains parents. Ceux-ci n’hésitent pas à gommer, chez leurs enfants, la langue maternelle voire toute référence à la culture d’origine.
Cette perte de repères identitaires peut-elle être la source des maux qu’Amina Bakhat, médiatrice interculturelle, aura à « passer » vers les équipes soignantes avec lesquelles elle travaille ?
Nous avons découvert, non seulement, un métier dans ce qu’il a de plus subtil mais aussi l’absolue nécessité à établir un dialogue aussi clair que possible entre un malade porteur d’une culture spécifique et son équipe soignante issue d’un environnement différent.
Contrairement à ce que nous venions d’entendre dans le témoignage d’Anne-Marie Serres, la différence culturelle est au cœur du métier d’A. Bakhat.
Il ne s’agit pas, pour elle, d’entendre un discours et de le traduire ou même de le porter avec neutralité vers le soignant. Il convient souvent de le décrypter à la lumière de connaissances anthologiques afin de le rendre entièrement intelligible pour celui qui a en charge le malade. Le parcours entier du patient est pris en considération y compris son parcours migratoire.
C’est autour de cette articulation entre individu et parcours que la prise de parole s’est rapidement instaurée chez les participants. Chacun a tenu à parler de son chemin personnel, des difficultés et des richesses que cette double ou triple appartenance lui apporte.
Nous pouvons retenir de ces échanges la quasi-certitude que la rencontre entre les cultures se fait sur un fonds commun d’humanité. Ce fonds commun épargne t'il les affrontements ? La question fut posée et le débat n’est pas clos.
Les questions de la langue et de « l’intégration » furent également abordées.
La perte consciente ou inconsciente, volontaire ou involontaire de la langue d’origine conditionne–t-elle l’intégration ou génère-t-elle des maux qui hypothéqueront le devenir ? Intégration veut-elle dire renoncement aux différences ? |