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impressions urbaines
 
Miheala Trifa, 1er mars 2005

Un soir d’été indien, après quarante huit heures de trajet en voiture, j’arrive enfin à destination : Bordeaux, la ville au bord de l’eau, la bourgeoise, la hautaine…
Je longe ses quais baignés par la Garonne. Des bâtiments vieux du 18ème siècle, collés dans une attitude de défense, formant un mur impénétrable au premier abord me jettent des regards furtifs mais fiers dans leurs habits de pierre poreuse.
Au milieu d’une place j’aperçois une fontaine. On me dit qu’elle s’appelle la fontaine des Trois Grâces. Je l’aime bien, même si du haut de ses jets elle paraît nous défier, nous, pauvres mortels. Elle va bien avec le coté bourgeois et commercial du Port de la Lune.
Et oui ! Elle ne se trouve pas au milieu de n’importe quelle place mais sur celle de la …Bourse.
Je prends le Pont de Pierre, je me retrouve captivée par ce que cette nouvelle ville pouvait encore m’offrir comme spectacle. L’air est chaud, le Roi-Soleil se couche, lumière tamisée, réverbères qui s’allument, qui se reflètent dans les eaux du fleuve, la Garonne.
Rive droite sur l’avenue Thiers, le coté le plus populaire et en quelque sorte le plus accessible me rassure. Tabacs, fleuristes, salons de coiffure, pharmacies, brasseries côtoient de très près les échoppes bordelaises.
Je descends de la voiture. Je suis confrontée malgré moi à une des réalités les plus criardes de cette ville : les crottes de chiens, qui j’allais m’en apercevoir petit à petit sont quasi omniprésentes.
Grand choc pour moi, petite roumaine, dans les pays de l’Est, Occident rime avec propreté, alors comment est-il possible de voir ceci dans les rues d’un pays aussi …occidental que la France ? Et de me répondre aussitôt (fût-ce peut-être pour chasser le désenchantement…) ça doit être la preuve ostentatoire de l’abondance française !.


1973, Bordeaux actrice muette en son mois de novembre.
Maud Sterlingot

La voie d’asphalte gris luit sous le crachin de cette fin de journée.

Glisser comme guidée par des rails invisibles entre immeubles et quais.

Long ruban ininterrompu de façades XVIIIe à l’exception notable de la dent cariée du conservatoire de musique. Paradoxe trop clair et trop chaud au milieu d’immeubles crasseux vestiges d’un passé (bien passé) de rutilances évanouies.

Serpent boueux jaunâtre d’un fleuve paresseux où nul bateau ne passe.

Bras inutiles de 2 grues ultimes vestiges d’une vie définitivement échappée.

Ville morte fossilisée en un décor trop auguste pour être honnête.

Pas âme qui vive! Pas même un fantôme. Mais où sont les vivants ?

Cachés derrière ces façades. S’agitent-ils en besognes inavouables ? Gardent-ils le poids de secrets trop lourds à abandonner ?  Ploient-ils encore sous le fardeau de la richesse douteuse de leurs ancêtres ?  Atmosphère froide, vide, mortifère…

Ce soir-là je ne croiserais aucun humain.

Sur cette scène minérale d’un théâtre comme abandonné, les acteurs ont choisi de se mouvoir derrière le décor.

Foin du spectateur ! Pensait-il sérieusement avoir accès à la ville, à la vie ?


Premier retour : ciel étoilé

Jean Martin Coly
6 février 2005

20 décembre 1992, premier retour à Dakar.

Il est 23 heures et l’on nous annonce que nous allons bientôt atterrir à l’aéroport de Dakar Yoff (aujourd’hui Léopold Sédar Senghor).

Que d’incertitudes après tant d’années d’absence !

Les lumières de la ville m’offrent un premier contact avec cet espace urbain. L’atterrissage, les formalités administratives, les retrouvailles familiales se passent vite. Je n’ai pas le temps de réfléchir, je me contente de vivre le moment présent.

Je suis revenu à Dakar en pleine nuit sous un ciel étoilé. À cette heure, cette ville vit encore, tant les humains sont présents et en circulation. Nuit noire mais les repères ne sont pas perdus. Je reconnais aisément le trajet vers la maison familiale sous les interrogations moqueuses de mes frères et sœurs :

  • Est-ce que tu te retrouves ?
  • Bien sûr ! (rires collectifs)

La ville n’a pas changé, en cela elle me rassure. Les images fixes reviennent et très vite l’ambiance urbaine est réappropriée.

De jour, je me rends compte de la densité urbaine, de la ville qui grouille de monde. D’où viennent tous ces individus ? Des campagnes bien sûr ! Exode rural oblige.

Je comprends enfin compte que les repères fixes qui rassurent sont le signe d’une immobilité économique et urbaine.

En fait, Dakar est entrain de se « ruraliser ».


Premières impressions de Bordeaux
Jean Martin Coly
21/10/2005

Bordeaux, 17 heures, jeudi d’octobre 1989

Ca y est j'y suis!

Bordeaux cette ville de foot-ball, connue pour les exploits de ses footballeurs sera désormais mon lieu de résidence. Cette première impression, celle d'un pratiquant de foot-ball symbolise ma rencontre avec la ville de Bordeaux

Très vite, la réalité, le quotidien et les défis d'installation ont repris le dessus sur l'imaginaire initial.

Tout d'abord la communication orale, les déplacements, les études et les divertissements ne m'ont posé aucun problème tant ils étaient proches de mon vécu dakarois. Par contre, le climat (cette humidité), l'expression des visages (tristes et renfermés), les relations à autrui, l'architecture (murs noirs) m'ont quelque peu perturbé.

L'étranger que je suis, se rend alors compte de l'univers dans lequel il est plongé. La ville de Bordeaux m'est apparu comme un espace vide de sens tant sa centralité est faible. Ou est le centre de cette ville? Telle est la question que je n'ai pas arrêté de me poser. Les petites rues, les petits troitoirs, les murs noircis par je ne sais quel phénomène, la saleté (déjections canines) ne m'ont pas convaincu de l'existence d'une centralité urbaine fut-elle historique.

L'expression des individus en circulation dans cette ville est l'une des choses qui marque. Qu'est-ce qui explique ces visages tristes, renfermés, qui fuient le regard? Qu'est-ce qui explique la raideur des corps, la démarche saccadée de ces bordelais? A croire que l'espace publique est une contrainte dans ses représentations.

En fait, je suis "tombé" dans une fausse ville, un espace qui manque de personnalité. Une part importante des individus qui y résident sont de passage ou en provenance d'espace ruraux aux alentours. Ce qui donne à la ville de Bordeaux une forte tonalité rurale.