27/09/04	Richard cerf Bamako 2002	CARTES

Institut de beautés

Je remonte la route du Ludo en direction du studio Kella Fox et j’aperçois sur l’autre trottoir quelque chose de lumineux et de transparent. Une sorte d’ektachrome très coloré d’un mètre de côté qui irradie la poussière du petit soir. C’est une féerie, une décoration de Noël sans sapin, une véritable pochette surprise débordante : de mèches de cheveux multicolores, de regards soulignés, de paillettes, de pommettes, d’ongles, de perruques, de lèvres nacrées, de brosses, de mascara, onguents, crèmes, fonds de teint, lotions, teintures, parfums, shampoings, sticks, gels, laques, mousses, spray, de karité ou jojoba… C’est la devanture d’un institut de beauté, à peine plus grand qu’un salon de poupées. Petit paradis affriolant, dévotement animé par deux étincelantes et joyeuses esthéticiennes.

Peu après, j’entends à la radio : « … les talibans amputent de ses deux mains une fillette de douze ans pour s’être vernis les ongles… »

Photographier un milliard de mains agiles et manucurées, plutôt que la lugubre nature morte de ces deux petites mains baignant dans leur sang. Cent mille fois le parfum du rouge à lèvres à celui du fer rouillé. Inonder la terre de vernis à ongles.

Une façon de repousser la noirceur avec de la lumière et de noyer dans la couleur tous les préceptes détenteurs du salut général qui nous écrasent dans la vertu.