20/10/04	Richard Cerf Bamako 2002	CARTES

« Chéri de mon cœur… »

Elle s’avança toute flegmatique, un éclat gourmand au coin de l’œil, serra ma main et ne la lâcha plus :

- « Chéri de mon cœur ! Comment ça va aujourd’hui ? Chéri de mon cœur… »

Sa voix cristalline, haut perchée est celle d’une enchanteresse sirène bien en chair, au sourire de fleur carnivore et elle me lacerait la paume avec l’ongle de son majeur.

Dans l’arrière-salle, les boules de billets de banque planquées dans les replis du boubou des filles, tombent et roulent sur la toile cirée du restau chinois aux murs verts. Côte à côte, à l’autre bout, deux macs en costume occidental, les déplient, les empilent et empochent des liasses consciencieusement lissées. À cette même table, un ancien combattant, très ancien et oublié… la poitrine criblée d’une salve de médailles multicolores, comme neuves, me salue militairement sans discontinuer, tel un automate détraqué :

- « Vive la France Vive la France Vive la France… » Et par moments, se lève et se fige dans un rigide garde-à-vous qui, à chaque fois paraît éternel, puis de reprendre ses « … vive la france… »  là où il les avait laissés et saluer encore et encore.