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20/07/04 Maud Sterlingots CARTES

De glissements sémantiques en dérapages politiques

Jours après jours, la France bruisse de l’affreux relent des racismes. Un fait divers qui n’en fut pas un, a mis en lumière la tension extrême qui règne entre communautés différentes au risque de confirmer que dans la patrie instigatrice des Droits de l’Homme, il est maintenant impossible de vivre ensemble. Confusion, perte de sens, frustration, victimisation, tous les registres ont été abordés en quelques heures et certains hommes politiques n’ont pas manqué d’utiliser ce climat délétère pour affirmer un « sens  politique » alarmant.

Dimanche 19 juillet 2004, Ariel Sharon Premier ministre de l’Etat d’Israël, devant une délégation d’américains de confession juive, propose aux juifs de France d’immigrer immédiatement en Israël.
Epilogue politique international d’un « presque » fait divers français comme il existe des « presque » accidents ?

Epilogue ? Rien n’est moins sur.
Non! Le mal est plus profond. Conséquence visible, majeure, ahurissante de dérapages anciens, persistants ; de manipulations diverses : politiques, idéologiques, religieuses ; de pertes de sens généralisées ; de tics de langage ; de paresses intellectuelles ; de stigmatisations de l’Autre  ouvertes ou larvées; d’images révoltantes et surtout, surtout de lâchetés.

Des maux hexagonaux jamais nommés donc jamais guéris. Sur lit de paupérisation grandissante, le racisme, car il s’agit bien de cela, gagne. L’antisémitisme est une expression du racisme comme il en existe tant d’autres. Racismes anti tout : jeunes, vieux, noirs, israéliens, juifs, arabes, musulmans, … L’autre ne peut être qu’ennemi, celui dont on se méfie et de la à devenir une bête à abattre… 

Le racisme est condamné par la Loi. Que la Loi s’applique et qu’elle s’applique à tous !

Que ceux qui ont pour mission directe de protéger leurs populations, de veiller à l’intérêt général, à moins qu’ils ne s’agissent de gros mots, de construire un avenir à des nations, le fassent en tenant compte et en respectant toutes les composantes du pays, toutes races, toutes religions traitées sur un pied d’égalité au pays qui se revendique, aux frontons des édifices publics, de la fraternité et de la liberté est-ce trop demander ?

Si les mots ont un sens que dire des stigmatisations imbéciles du type de l’« escalier qui pue » ? Sont-ce les escaliers qui chatouillent désagréablement les narines de personnages qui n’hésitent pourtant pas à aller chercher des votes dans le lisier des fermes ou plutôt la représentation qu’ils ont des habitants que l’on a ghettoïsés loin des regards du bon peuple ?

Alors comment s’étonner que la haine se soit immiscée silencieusement et qu’elle finisse par exploser au grand jour. Elle trouve dans les horreurs du Proche - Orient et leurs violences insupportables, un objet de cristallisation de frustrations intenses et d’amalgames imbéciles. Le « Tout va mal pour moi », « Tout est pourri ici », « pas d’espoir », « on me manque de respect » ramènent aux images du peuple palestinien auquel il est facile de s’identifier puisqu’il est supposé être de la même « famille ».

De dérives en dérives irresponsables, pourquoi ne pas « profiter » de cette montée des haines pour désigner celui qui doit « payer » pour tant de souffrance, celle d’un « peuple frère » et par extension pour ses propres difficultés dans un pays qui ne veut pas accepter l’Autre.

L’Autre n’est plus israélien, habitant d’Israël, non il est considéré comme juif, celui qui pratique la religion juive. Non ! Contrairement à ce que l’on croit souvent, tous les Israéliens ne sont pas juifs, et qu’en bien même le seraient-ils, tous les juifs israéliens ne sont pas partisans de la guerre, massacreurs de palestiniens. Le peuple subit souvent les conséquences effroyables de décisions prisent par ses gouvernants. Contraints malgré-eux, forcés d’avoir à assumer insécurité, peurs au quotidien, deuils et …impuissance.

Enfin tous les juifs de France ne sont pas d’ardents défenseurs de la politique d’Israël. Le fait de pratiquer une religion n’implique pas automatiquement une adhésion politique à un état fut-il celui d’Israël, établi sur la « terre promise ».

Quant à L’Autre, appartenant peut-être au peuple arabe qui fut porteur de grandes civilisations, réalité qui contraste souvent avec ce que l’on voudrait nous faire croire d’une population qui serait, par nature, atavisme indélébile, incapable de vivre dans nos sociétés « évoluées », il peut être musulman, pratiquant l’Islam mais non islamiste. Rappelons que l’islamisme est une dérive extrémiste pour laquelle l’extermination du voisin non croyant, c’est à dire toute personne ne professant pas ce type « d’Islam » sectaire et toutes les pratiques temporelles liées, devient une « guerre sainte ».

De guerres «saintes », en guerres de « libération », de guerres de « reconquête des territoires occupés », en « constitution de colonies de peuplements », et maintenant construction de mur, haines cuites et recuites depuis 1948, si nous ne prenons en compte que notre histoire contemporaine, nous ne pouvons croire que nos gouvernants ignorent cet état de guerre et leurs prolongements dans nos pays.

Alors comment accepter que tel trublion revienne adoubé des Etats-Unis et fasse du racisme antisémite un objet de positionnement politique personnel ? Comment comprendre qu’un Premier ministre israélien par des déclarations tonitruantes ébranle les quelques fondements d’ouverture, de compréhension et d’acceptation de l’Autre qui subsistent en France ? Réponse minable et dangereuse à une visite d’un ministre des affaires étrangères au représentant élu du peuple palestinien ? Pourquoi les Etats - Unis se retrouvent-ils au cœur de ces deux situations, témoins ou instigateurs ?

Nous ne voulons pas de ces « jeux » pervers ! Nous savons, car l’histoire nous l’a appris à nos dépends, que la « créature » du racisme, de tous les racismes, échappe souvent à ses maîtres, que ses ravages sont incommensurables.

Et depuis ce matin, l’on voudrait qu’il s’agisse d’un « malentendu culturel » ! . Certes si Ariel Sharon, fait allusion à l’Alyah cette « montée » vers la terre d’Israël où tout juif doit s’établir, et que nous ne le comprenons pas, c’est que nous sommes dans l’ignorance du sionisme pour la belle raison qu’il ne nous regarde pas. Il en va de la conscience politique de chacun et dans une démocratie, les injonctions sonnent mal.

La seule réponse à cette mascarade en forme de « justification » (et dans le mot justification nous retrouvons le terme « juste » …) peut se résumer simplement : apprendre à connaître et à comprendre l’Autre dans toutes ses différences et toutes ses similitudes pour vivre ensemble.

Ouverts à l’Autre : une nouvelle devise pour un pays qui se voulait exemplaire ! .


 



Màj : 3/10/07 14:43
 
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