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SOCIÉTÉ

 


19/12/04

Maud Sterlingots

08 décembre 2004

CARTES

Gare !

Cheveux en bataille, manteau au vent et sac en bandoulière.

Figure de parfait habitué voyageur qui connaît l’heure, le quai et auquel on ne la fait pas !

Un pas à droite pour éviter le sac à roulette qui prend un malin plaisir à vous couper la trajectoire directe vers le quai…

Une pirouette à gauche pour dépasser la petite maman munie de deux enfants qui tirent à hue et à dia. Femme dépassée par tant d’énergie piaillarde dont elle ne connaît visiblement pas le mode d’emploi.

Un petit détour par le kiosque à journaux en prenant, comme il se doit un air affairé à la hauteur du SDF vendeur de sa publication au grand cœur ! Pensez donc, un Euro de gagné par exemplaire vendu, de quoi s’offrir au choix, à manger ou à se laver, à dormir ou à se vêtir.

Au galop, le billet de train tendu vers ces nouvelles voraces jaunes aux dents grises, les machines à composter…

Mais, c’était sans compter sur trois ados qui eux avaient décidé de tenter une expérience en « direct live ».

Assis sur la murette supportant les composteurs de la Société Nationale des Chemins de Fer Français, ils repéraient le voyageur, « français de souche » et lui seul. À l’instant précis où, très concentré, « l’usager validait son billet » selon le vocabulaire consacré, les trois compères comme saisis de dégoût ou d’effroi dégringolaient de leur perchoir et s’écartaient prestement de lui.

Stupeur de quelques personnes, indifférence d’autres, questions des plus attentifs, des plus hardis ou simplement de ceux qui avaient le temps…

Patiemment, le club des trois expliquait à chaque voyageur, qu’il voulait le placer dans la situation à laquelle il se confronte quotidiennement. Être évité, ignoré ou ostensiblement fui alors que dans un lieu public on effectue un geste aussi anodin que le compostage d’un billet de train… « Voilà ce que cela produit comme effet »… « Voilà avec quoi il faut vivre constamment » …

Et que croyez-vous qu’il advint ?

Ils se firent traités au choix de petits cons, de racaille et de bien d’autres noms d’oiseaux exotiques.

On leur recommanda, bien sûr, de retourner chez eux s’ils n’étaient pas contents. Rien que de très ordinaire sans doute pour eux !

Le voyageur habitué stoppa net sa course, s’octroya le temps de les écouter, alla même jusqu’à poser son sac à terre et entama une conversation avec ces trois interloqués.

Dix minutes plus tard, ils n’avaient toujours pas fini de lui dire, de lui mimer, de le prendre à témoin…

Scène pas si ordinaire que cela, un matin d’hiver 2004, en gare Montparnasse à Paris.


 



Màj : 3/10/07 14:43
 
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