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BILLET D'HUMEUR

 


25/01/05

Mathilde Mézières

21 janvier 2005

CARTES

Hold up sur l’histoire

Les commémorations ont cela de dangereux qu’elles se comportent comme des verres grossissants. Le centre de la visée finit par occuper tout l’espace au détriment des contours qui disparaissent sous l’action mécanique de la focalisation. Hors cette parcelle d’image, rien n’existe plus à nos yeux et pourtant la réalité dans sa globalité persiste, au-delà de ce que l’on veut bien nous donner à voir.

60 ans après la libération des camps nazis, nous assistons à un déferlement de unes, de numéros spéciaux, de soirées à thèmes, de livres et d’essais…

Tous ou presque traitent du génocide du seul peuple juif. Et pourtant l’horreur du nazisme n’a pas frappé qu’une cible unique.

L’abjection fut d’autant plus forte qu’elle prit la forme d’une doctrine. Chacun sait que les doctrinaires n’ont pas leur pareil pour tenter de rendre universelle leurs pensées dévoyées. Pris du vertige de la puissance, ils ne cessent de démontrer qu’ils sont seuls tenants de la Vérité. A l’égal des dieux, ils s’approprient le pouvoir de vie ou de mort sur l’homme. L’autre, celui qui ne sert pas leur dessein de toute puissance n’a plus qu’à disparaître puisque tout le désigne comme différent sa peau, son mode de vie, sa religion, ses convictions politiques, sa seule opposition ou le fait d’être né ailleurs, différent. 

Protéiforme, réfléchie, organisée, l’extermination systématique de catégories entières de populations  devait servir des objectifs hégémoniques d’une prétendue pureté doctrinaire.

Mais n’oublions jamais que les massacres démarrèrent en Allemagne contre les opposants politiques de la première heure, les intellectuels, les militaires ennemis des idées nazies émergentes. En 1933, le monstre en marche commençait par dévorer ses propres enfants.

Dans cette folie meurtrière naissante, l’extermination systématique d’un groupe humain passe du stade de projet à celui de réalisation implacable. Première population visée à titre expérimental mais néanmoins systématique, les handicapés physiques et mentaux. En Allemagne, de 1939 à 1941, ce furent environ 100 000 de ces malheureux qui furent gazés préfigurant d’autres gazages à la chaîne.

À partir de 1941, cette démence criminelle s’abattit de manière délibérée et construite sur les minorités insupportables aux tenants d’une race pure, des noirs, des homosexuels, des tziganes… 250 000, 300 000 qu’importe les chiffres quand bien même n’y eut-il qu’un seul de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants, nous devons nous souvenir.

Des combattants, des prisonniers de guerre, des résistants, des communistes, des prêtes, des pasteurs, des moniales orthodoxes, des populations réfractaires au joug nazi, des polonais, des russes, des français, des roumains, des hongrois et tant d’autres anonymes disparurent dans ces camps d’extermination de sinistre mémoire.

Eux tous périrent dans l’abjection avec leurs frères dans l’abomination, les juifs.

Prenons garde de n’en oublier aucun !

L’hégémonisme dans le souvenir résonne comme une seconde mort.


 



Màj : 3/10/07 14:43
 
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