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06/08/04 Jean Martin Coly
20 juillet 2004
CARTES

L'ethnie, une histoire complexe

Le fait ethnique reste un sujet central du débat sur la démocratie en Afrique. La libéralisation politique et le retour à un système électoral pluraliste posent le problème de la cohésion de pays parfois fort disparates.
Le concept d'ethnie est lui-même abondamment traité dans les manuels. Mais il n'est pas aisé de le définir.

Problèmes de définition

Etymologiquement, le terme ethnie découle du radical grec ethnos (pluriel ethné). Dans l'antiquité il désignait les peuples qui n'avaient pas accès à la polis, c'est-à-dire l'ordre de la Cité-Etat "dans lequel le rapport social, pensé abstraitement et dégagé des liens personnels ou familiaux se définit en terme d'égalité, d'identité".

La notion d'ethnie s'impose en sciences sociales au 19e siècle lorsque ces dernières se dotent de leur propre vocabulaire pour désigner les "peuples primitifs" qui vivent hors des" sociétés historiques". Son parcours connaît un rebondissement à la fin du 19e siècle avec son utilisation en référence aux théories raciales (Gobineau) qui débouchent sur la constitution d'une nouvelle discipline l'anthropologie physique. Il s'agit alors de compenser l'impuissance de la notion de race à rendre compte de la diversité des groupes humains et, en particulier des processus de différenciation au sein de populations considérées comme radicalement homogènes. Cela en usant d'une notion d'ethnie à base essentiellement linguistique (Vacher de Lapouge, F. de Saussure, Regnault).

L'ethnie va osciller dès son origine entre le registre de la nature, du fait de ses fondements biologiques en référence aux types raciaux, et celui de la culture, en raison de sa volonté d'appréhender les différences d'ordre linguistiques.

Concept fondateur de l'ethnologie, la notion d'ethnie demeurera peu centrale chez les fondateurs et les classiques de cette discipline qui lui préfèrent celle de peuple ou de culture.

Ces concepts sont pensés comme une prolongation du modèle familial, comme archétype du groupe d'appartenance, qui renvoie, à travers la problématique des origines et de la filiation, à un modèle biologique. Le recours métaphorique aux notions de patrimoine, d'héritage ou de filiation pour fonder l'ethnie parait naturel. Il se fait par une sorte de fixation culturelle de populations dans l'espace et dans le temps.

Max Weber envisage de "jeter par-dessus bord le concept général d'ethnie parce que c'est un fourre tout". Ce qui ne l'empêche pas d'utiliser le terme de groupes ethniques : "nous appellerons groupes ethniques, … ces groupes humains qui nourrissent une croyance subjective à une communauté d'origine fondée sur des similitudes de l'habitus extérieur ou des mœurs ou des deux ou sur des souvenirs de la colonisation ou de la migration, de sorte que cette croyance devient importante pour la propagation de communalisation, peu importe qu'une communauté de sang existe ou non objectivement". Au sein de ces groupes, les relations entre les membres, "la vie commune ethnique", se situent dans le registre de la communalisation, c'est-à-dire qu'elle se fonde sur le sentiment subjectif d'appartenir à une même communauté.

C'est également le terme utilisé par D. Juteau, qui définit les groupes ethniques comme des communautés d'histoire et de culture au même titre que les nations, à cette différence près que la notion de groupe ethnique désigne également les groupes dominés, ne disposant pas d'un appareil d'Etat et n'étant pas en mesure de développer un projet politique. Ces groupes ne se fondent ni sur l'âge, ni sur le sexe, ni sur la place des rapports de production, mais sur un substrat particulier, c'est-à-dire, sur le partage d'une culture, d'une identité, d'une mémoire commune historiquement construites.

Ethnie et Afrique

En Afrique, la réflexion autour du concept d'ethnie ainsi que sa pertinence s'est surtout faite lors de la phase précoloniale et coloniale. Les missionnaires occidentaux officiellement chargés d'évangéliser les populations et à leur suite les anthropologues ont tenté de réduire les populations autochtones à des groupes divers provenant chacun d'une même origine ancestrale et antagonique.

Pour Fortes, l'ethnie représente ce qui différencie fondamentalement chaque groupe humain et qui en même temps permet l'existence de relations sociales. Il s'appuie pour cela sur l'importance de l'étude ethnographique des communautés ethniques qui montre des zones d'opposition avec d'autres groupes, mais qui défini aussi ce qui permet de repérer des passerelles entre différentes ethnies.

De ce point de vue, il est possible quand on souhaite travailler sur les appartenances ethniques d'identifier aisément une communauté ethnique. C'est ainsi que les Sérères peuvent être identifiés sous cette forme. On les rencontre majoritairement dans les espaces territoriaux autour du Sine et du Saloum (affluents fluviaux); ils se caractérisent par une organisation sociale et économique propre, cela tout en participant à la nation sénégalaise.

Il est aussi possible dans une volonté de distinguer et de différencier, de considérer que l'ethnie est une entité publique close descendant d'une même origine. Cette approche permet d'insister sur la souche commune et sur les caractéristiques partagées par les membres d'une même ethnie. Cette démarche se rapporte plus à l'aspect familial et aux liens de parenté qui existent à l'intérieur du groupe ethnique. Dans ce cas, ce qui est mis en avant, c'est le rapport familial déterminé par une ascendance commune. Conception qui occulte tout apport venant de contacts avec d'autres groupes.

Nos recherches sur les Diolas montrent une situation autre. Elles font cas d'une communauté diverse, essentiellement déterminée par des sous-groupes linguistiques. C'est ainsi que le diola-fogny (une des composantes linguistiques du diola) s'est imposé au Sénégal et à Bordeaux comme la langue de communication transversale des Diolas. Ce qui permet au tenant de cette appartenance linguistique d'incarner une certaine centralité Diola. Cette situation est l'objet d'une concurrence entre différents groupes linguistiques diola (fogny, boulouf, balante, casa, etc.). Elle n'est pas conflictuelle, elle est plutôt prétexte à des relations à plaisanterie.

Cette conception de l'appartenance ethnique est proche des travaux de G. Nicolas (1973) et de F. Barth (1969) qui tout en privilégiant les "caractères communs" des membres d'une même ethnie, lui reconnaissent une certaine diversité interne.

Nous assistons ainsi aux prémisses d'une certaine remise en cause de l'approche "classique" du concept d'ethnie qui consistait à croire que les ethnies vivent isolées les unes des autres, sans contacts particuliers et dans un climat d'hostilité.

Cette approche "classique" est en fait le témoin d'une représentation coloniale et très limitative de la notion d'ethnie. Elle la considère comme un groupe humain ayant une ascendance commune, vivant sur un territoire donné et partageant la même langue. Entre autre une conception réduite de "l'Etat-Nation" qui a un caractère territorial, ce qui ne correspond pas à l'idée que nous avons de l'entité sociale et culturelle qu'est l'ethnie.

Nous avons une approche dynamique de l'ethnie. C'est-à-dire une lecture d'un groupe social, culturel et politique qui prend en compte la diversité propre à chaque groupe ethnique. Il s'agit dans l'observation de chaque ethnie de repérer les divers sous-groupes, de montrer les échanges existants entre ces entités. Les échanges individuels et collectifs (internes et externes) permettent alors de dégager une dynamique qui progressivement constitue une base de données servant les uns et les autres dans un processus de mise en commun. C'est un processus de socialisation par appartenance à une communauté qui en retour respecte et reconnaît les différentes entités qui la composent.

Déconstruction du concept d'ethnie

Un mouvement de déconstruction du concept tel qu'il a été abordé a existé. Il s'est employé à redéfinir le terme d'ethnie et surtout à le placer dans un contexte autre que celui défini sous la colonisation.

Jean-Loup Amselle et Elikia Mbokolo montrent que l'ethnie considérée comme une entité fermée ayant une origine commune est plus l'objet d'une construction arbitraire de la colonisation que le produit d'un développement intrinsèque. Distinguer en abaissant était bien la préoccupation de la pensée coloniale. Selon Jean-Loup Amselle, les sociétés africaines pré-coloniales étaient marquées par la présence de "chaînes de sociétés" ou les individus, acteurs sociaux font des choix d'appartenance déterminés qui les placent momentanément ou définitivement dans un groupe social en relation avec d'autres groupes sociaux. Ainsi, la notion de frontière ethnique qui se superpose avec celle de frontière géographique ne correspond pas à la réalité de l'Afrique pré-coloniale mais plutôt de celle de l'Afrique colonisée.

Les pays colonisateurs, dans leur volonté de "diviser pour mieux régner" ont figé les groupes sociaux en ethnies fermées les unes par rapport aux autres et détruit ainsi toute une dynamique d'échanges et de contacts.

Nadel, dans ses travaux sur les Nupe du Nigeria démontre bien comment dans la réalité l'entité ethnique s'imbrique dans des groupes plus vastes. Il fait la preuve d'une réalité selon laquelle ces entités prétendument closes et s'opposant les unes aux autres, ont en fait de nombreux points communs. Il reconnaît que les schèmes d'identification entre ethnies marquent certes la séparation entre différents groupes, mais qu'il existe des passages "continuels" de populations à travers les "limites" qui marquent chaque séparation entre ethnies.

Nous observons le même processus en Moyenne Casamance (région sud du Sénégal) avec ceux que l'on nomme les Diolas "mandinguisés". Il s'agit de Diolas qui sous l'influence et la pression démographique des Mandingues en Casamance en sont arrivés à adopter certains aspects de la culture mandingue. C'est la zone où nous rencontrons le plus de Diolas musulmans, religion introduite en Casamance par les marabouts Mandingues, ces Diolas ont aussi adopté le mode d'habitat (plus regroupé) et le type d'agriculture (l'arachide et l'utilisation de la daba comme outil de travail) pratiqué par les Mandingues. Ils sont certes d'origine Diola, mais parviennent dans le temps et au vu de leur faible taux de présence, à progressivement adopter les modes culturels du groupe dominant.

Cette situation fait penser à celle d'un groupe en situation migratoire. Seulement, dans ce cas précis, les Diolas sont dans leur région d'origine. Cette réalité favorise les différenciations entre Diolas vivant sous différentes influences.

Dans ce cas, le groupe ethnique, continue son processus de différenciation et de diversification au contact d'autres communautés. Nous avons affaire à une démarche d'apports multiples dont certains sont adoptés et d'autres rejetés.

J. L. Amselle dans sa critique du concept d'ethnie accuse le colonisateur, qui dans sa volonté de "territorialiser" le continent africain a crée des entités ethniques qui ont été par la suite ré-apropriées par les populations. L'ethnie n'étant à ses yeux qu'un faux archaïsme de plus visant à faire légitimer certaines institutions dites "primitives".

Après la colonisation, il est important de noter que les logiques ethniques mises en place par les colons, ont été reprises par le personnel politique africain. Ce dernier l'a souvent utilisé à des fins politiciennes allant dans le sens de la violence et de l'opposition inter-ethnique.

La politisation et l'instrumentalisation des appartenances ethniques par les pouvoirs post-coloniaux africains, agissent dans le même sens que celui définit préalablement. Nous n'avons pas de mise en avant des différentes richesses culturelles, mais plutôt des pouvoirs qui s'appuient sur des groupes particuliers pour gouverner. Situation qui crée des frustrations et des oppositions.

Notre démarche, au lieu d'envisager les frontières ethniques comme des lignes de ruptures géographiques, les présente comme des "barrières sémantiques" qui jouent le rôle de classement ou d'appartenance sociale.

Les ethnies, que ce soit dans le contexte géographique où elles ont été identifiées ou en situation migratoire, ne se distinguent pas uniquement en termes de particularités et de spécificités. Elles s'inscrivent aussi dans des modes d'identification et d'intégration propre à une nation ou à des groupes majoritaires. C'est ainsi que dans les formes classiques de l'intégration à savoir : l'accès au travail, au logement, à la scolarité, l'adhésion aux modes de consommation, l'appartenance à des catégories socioprofessionnelles; les membres d'une ethnie peuvent avoir les mêmes démarches que celle observées dans le reste de la population. Ce qui ne les empêche pas de créer un espace d'expression de leur culture qui intervient dans le sens du rappel et du renforcement de leur adhésion à leur identité ethnique.

Cette formation sociale, l'ethnie, est encore déterminante dans l'espace socio-politique africain dans la mesure où elle sert de levier de positionnement et de mode d'identification des individus. Elle représente un matériau fonctionnel dans l'identification des groupes, leur intégration, leur opposition et leur distinction.

D'où le fait qu'il soit légitime aujourd'hui, de considérer des groupes ethniques et de les utiliser dans des travaux afin de repérer leur mode d'identification et d'adaptation dans des rapports sociaux, culturels, politiques, etc.

Ce qu'il faut éviter dans une telle démarche, c'est de considérer que les éléments d'identifications culturels d'une ethnie ont toujours existé. Ils s'inscrivent plutôt dans un processus d'évolution duquel il devient de plus en difficile de faire l'ethnographie.

L'ethnie fonctionne comme un référent, un cadre formel dont la commodité opératoire nous permet non seulement de l'isoler et de faire référence à son "signifiant", mais elle tient aussi la place d'un sujet auquel nous reconnaissons assez d'existence pour pouvoir lui attribuer des énoncés, des événements, des rapports sociaux. De ce fait, nous faisons le constat d'un groupe repéré comme tel, constitué historiquement sur un territoire déterminé, possédant des particularités linguistiques, culturelles, ainsi que la conscience de soi (par opposition à d'autres) et fixé dans "l'auto-appelation".

La politisation d'un fait social

Le problème soulevé est celui de la définition d'un mode efficace d'incorporation équitable de la diversité d'une nation au sein de la structure étatique.

En Afrique, l'ethnie est devenue un réservoir de références sécuritaires à actionner occasionnellement ou durablement. On se prévaut de ses réflexes en temps opportun ou on s'en éloigne quand ils deviennent source d'insécurité.

Dans le contexte de l'Etat congolais (République Démocratique du Congo, ex Zaïre), l'avènement de Joseph Désiré Mobutu et de Laurent Désiré Kabila à la tête de l'Etat a pour résultat la concentration du pouvoir politique entre les mains des groupes "N'gwandi" de la province de l'Equateur pour le premier et de l'ethnie "Luba" de la province du Katanga pour le second. Ce mode de fonctionnement est producteur du phénomène de l'ethno-tribalisme marqué par la volonté d'un groupe ethnique au pouvoir de contrôler tous les circuits de décisions, d'exécution et de redistribution des ressources naturelles du pays.

Ainsi, l'identité ethnique témoigne du sentiment d'appartenance. Elle est le produit d'un mouvement dialectique d'auto-définition et d'hétéro-définition par lequel les acteurs s'identifient et sont identifiés sur la base d'une opposition entre "eux" et "nous". Ces limites ne sont pas immuables, elles sont produites et manipulées par les acteurs politiques. Elles s'appuient sur un substrat culturel, historiquement construit et transmis par la socialisation, dont certains traits sont sélectionnés comme symbole de différenciation.

La diversité ethnique qui est le lot commun des pays d'Afrique (et d'ailleurs) est dans ce cas source d'antagonismes et de conflits qui opposent les populations de la région. Georges Balandier écrit à propos des pays d'Afrique Centrale qu'il a étudiés : "Qu'il y a non seulement opposition dans les réactions à la main mise coloniale, mais aussi antagonisme entre les populations".

Dans cette lutte implacable pour la conquête et la conservation du pouvoir, l'institution militaire se révèle être l'instrument par excellence de déstabilisation de toute forme de contestation. Il devient alors le principal espace d'acquisition et d'accumulation des ressources. Les groupes ethniques, du fait du climat de violence, deviennent alors séparés par des distances sociales et psychologiques fondées sur des préjugés et des traditions d'hostilité régulièrement entretenues.

Par distance sociale, il faut comprendre "le phénomène inter-groupe". L'autre est tenu à distance, à une distance infranchissable du seul fait de son appartenance à un groupe différent. Il peut s'agir, selon les cas, de différences culturelles, des différences de classes, etc. Quant à la distance psychologique, c'est un phénomène "intra-groupe" : autrui est perçu comme incompatible, il est tenu à distance et la communication avec lui devient impossible à établir.

L'appartenance nationale étant plus faible que l'appartenance ethnique, la lutte pour le pouvoir devient forcément conflictuelle. Le climat de guerre permanent s'explique par l'absence d'un Etat susceptible d'assurer la redistribution de manière équitable.

Pour conserver leur pouvoir, certains chefs d'Etats africains préfèrent instrumentaliser l'appareil militaire en s'appuyant sur leur appartenance ethnique. Ils affaiblissent de fait l'intégration nationale. En République Démocratique du Congo ainsi que dans les pays voisins, le métier des armes est un pouvoir exclusif aux mains d'une seule ethnie. C'est aussi le cas du Rwanda et du Burundi.

Ce phénomène est très visible en République Centrafricaine. En 1966, lorsque Jean Bedel Bokassa prend le pouvoir, il commence par augmenter les effectifs de l'armée en y incorporant des éléments de l'ethnie "Mbaka", originaires de la Lobaye, sa région natale. Son successeur, le général André Kolingba n'a fait que remodeler l'armée "à sa main". C'est ainsi que nous constatons, à l'époque, une prédominance des hommes de son groupe ethnique, les "Yakoma". Méfiant d'un groupe qui ne lui était "pas acquis", le Président Ange Félix Patassé (successeur de Kolingba), se constitua une garde présidentielle composée en majorité d'éléments fidèles, issus du même groupe d'appartenance ou de la même terre natale que lui.

Au Tchad, le pouvoir politique est composé essentiellement d'hommes du "clan Zagawa", appartenance culturelle de l'actuel chef d'Etat (Idriss Deby).

L'ethnicité dans le contexte du pluralisme

Le cas particulier de l'Afrique du Sud fait l'objet de nombreuses attentions, avec des parallèles entre ce pays et ceux de l'Europe de l'Est qui connaissent également le problème des sociétés multi-ethniques en transition. Au regard de ces deux situations, on se rend compte que la réussite démocratique n'a été possible qu'à certaines conditions : une certaine harmonie entre la composition de l'administration et la société, la distinction claire de territoires ethniques permettant un gouvernement local, des partis politiques sur une base non ethnique, avec peu de différences socio-économiques, etc.

Contrairement à la l'ex-Yougoslavie, une fragmentation sur des lignes ethno-nationalistes semble peu probable en Afrique du Sud. Cela, même si la lutte anti-apartheid a pris une connotation ethnique notamment avec les "Zoulous" de l'Inkhata. Nous assistons en fait à l'émergence de puissants indicateurs d'une intégration nationale durable. Ce qui semble menacer ce processus, c'est la violence et les disparités socio-économiques.

L'ethnicité pose de réels problèmes dans la gestion de nations africaines plurielles. Les situations politiques du Rwanda, du Burundi, de La République Démocratique du Congo le montrent bien. L'ethnicité réapparaît tel un serpent de mer pour ça et là expliquer les échecs, justifier les adaptations locales du modèle politique, quand ce n'est pas pour dénoncer l'inadaptation d'un prétendu modèle démocratique occidental au contexte ethnique : exemple des partis ethniques.

Dans ce débat, il faut rappeler que la politisation de l'ethnicité ne relève pas uniquement de la conjoncture de démocratisation. Ce phénomène ancien peut être relié à d'autres facteurs exacerbant comme les crises économiques répétées, une volonté de faire reconnaître une existence civique à travers des identifications extra-politiques et l'incohérence des politiques locales.

Le régionalisme

La problématique de l'ethnicité dans un contexte de transition est liée à celle de régionalisme. Le système démocratique soumet l'offre politique au scrutin des citoyens et quelques fois procède à des redécoupages territoriaux. Cela peut exacerber les tensions ethniques, surtout lorsque les relations entre le centre et la périphérie sont redéfinies sur un mode identitaire.

C'est le cas de l'Ethiopie. Ce pays, sous couvert de fédéralisme est loin d'être un régime d'équilibre ethnique, comme il en avait la prétention. Les populations "Somalis" du Harar sont les laissées pour compte d'une organisation confédérale qui fonctionne sous le principe d'une sorte de "démocratie ethnique".

Le Cameroun connaît les mêmes difficultés entre anglophones et francophones.

Conclusion

Ce travail sur la problématique de l'ethnie montre que si effectivement la démocratisation peut être l'occasion d'exacerber les conflits ethniques, elle fournit aussi les moyens, notamment institutionnels de les gérer. Les institutions permettent de résoudre les conflits alors que le système électoral peut lui-même se révéler exclusif.

On peut alors vanter les mérites du système fédéral (Nigeria, Somalie, Kenya) pour réguler les tensions; ou du système au sein duquel un groupe ethnique est en position démographique dominante. Ce qui pose alors dans les deux cas, le problème de la protection des minorités, de leur représentation dans des systèmes politiques complexes.

Les problèmes ethniques ne sont pas forcément accentués par le retour du multipartisme. En fait, l'ethnicité est trop souvent utilisée comme un moyen de mobilisation dans les compétitions pour les ressources par les dirigeants politiques alors que les populations considèrent cela comme un bon moyen de défendre leurs intérêts.

En Afrique les politiques d'intégration nationale ne peuvent passer à côté d'une réflexion et d'une organisation politique qui prennent à la fois en compte l'histoire des peuples et les équilibres nécessaires à une cohésion sociale durable.


Encyclopoedia Universalis France S.A. 2002
Op. cit.
Op. cit.
Taylor A. C. : "Ethnie" in "Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie" de Bonte P., Izard M. 1991. Dans l'analyse de ce concept sont passées en revue quelques approches comme celles de Gobineau A. ("Essai sur l'inégalité des races"), de Montandon G. ("L'ethnie française"), de Vacher de Lapouge ("Les sélections sociales") de Martinello M. ("L'ethnicité dans les sciences sociales"), P.U.F., Que sais-je ? – 1995), etc.
Guillaumin C. pense que "le mot ethnie se présente tantôt comme un compromis entre la croyance inconsciente en un déterminisme biologique des traits culturels et une distance prise volontairement par rapport au mot race pas assez utilisé". Réf. : L'idéologie raciste. Genèse et langue actuel" Paris, Gallimard (Collections Folio Essais), 2002.
Weber Max : "Economie et société" vol. 2, Paris, Plon, 1995.
Weber Max Op. cit. "Nous appelons communalisation une relation sociale lorsque, en tant que, la disposition de l'activité sociale se fonde sur le sentiment subjectif (traditionnel ou affectif) des participants d'appartenir à une même communauté. Une communalisation peut se fonder sur n'importe quelle espèce de fondement affectif, émotionnel ou encore traditionnel".
Juteau D. : "Ethnicité et modernité" in "L'ethnicité et ses frontières" Montréal Presses de l'Université de Montréal, 1999.
M. Fortes : "The dynamics of clanship among the tallensi" Londres, Oxford University Press 1945.
P. Mercier : "Remarques sur la signification actuelle du tribalisme en Afrique noire" Cahiers internationaux de sociologie, vol 21, juillet-décembre 1961.
J. M. Coly : "Situation migratoire et ethnicité : essai d'analyse fonctionnelle des stratégies d'intégration des migrants Diolas à Bordeaux" thèse de doctorat de troisième cycle - Université Victor Segalen Bordeaux 2, 2002.
F. Barth : "Ethnic group and Boundaries. The Social Organisation of Cultural Difference" Boston, Little Brown, 1969.
"Théories de l'ethnicité" Presses Universitaires de France, 1995.
Jean-Loup Amselle, Elikia Mbokolo : "Au cœur de l'ethnie – ethnies, tribalismes et états en Afrique" Editions de La Découverte, Paris 1985.
Op. cit.
Siegfried Frederick Nadel : "Byzance noire. Le royaume des Nupe du Nigeria" Paris, Maspero, 1971.
J L. Amselle Op. cit.
Jean-Loup Amselle : "Vers un multiculturalisme français – l'emprise de la coutume" Flammarion 2001.
Jean Bazin : "Guerres de lignages et guerres d'Etats en Afrique" Paris, Editions des Archives Contemporaines, 1982.
Jean Bazin Op. cit.
L. Kupper, M. G. Smith , eds., "Pluralism in Africa" Berkley, University of California Press, 1996.
Georges Balandier : "Sociologie actuelle de l'Afrique noire" Presses Universitaires de France; Paris, 1963.
G. B. Mailhot : Dynamisme et genèse des groupes" Editions Epi, Parsi 1968. Voir aussi Banton Michael : "Sociologie des relations raciales" Editions Payot, Paris, 1971.
Op. cit



Màj : 3/10/07 14:43
 
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