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GÉOGRAPHIE, HISTOIRE, SOCIÉTÉ

 


13/11/04

Jean Martin Coly

16 octobre 2004

 

Interview de Louis Naud Pierre
sociologue, enseignant-chercheur - Université Bordeaux2

Jean-Martin COLY : Quels sont les processus historiques et les phénomènes de rupture qui menèrent à la constitution de l’État d’Haïti ?

Louis Naud PIERRE : Tout d’abord, il faut dire que ce sont les Indiens qui constituèrent la population native du territoire Haïtien. En 1492, cette terre fut « découverte », c’est le mot consacré, par Christophe Colomb. En l’espace de quelques années, il n’y eut pratiquement plus d’Indiens. Ils furent réduits en esclavage, par les Espagnols, qui les utilisèrent pour l’exploitation des mines d’or.  À partir de 1501, il a fallu importer des esclaves d’Afrique.

Dès 1625 des flibustiers français postés dans les environs attaquaient et pillaient les bateaux espagnols. Ces flibustiers finissent par conquérir et par s’établir définitivement sur l’île de la Tortue. Ce fut le début de la présence française. Il fallut attendre le traité de Ryswick en 1697 pour que les Espagnols cédassent à leurs rivaux le tiers de la partie occidentale de l'île d’Haïti. La France en profita pour attribuer officiellement à la partie acquise le nom de Saint-Domingue.

Alors que la colonisation espagnole était centrée sur le pillage des métaux précieux, la colonisation française s’articula autour de la production des matières premières en vue du développement de l’industrie métropolitaine. C’est ainsi qu’une économie de plantation fut mise en place dans la partie française.

Cette activité fit de Saint-Domingue la plus riche de toutes les colonies d’Amérique. Elle représentait à elle seule les deux tiers de la richesse coloniale de la France. C’était donc la colonie qui avait le plus besoin d’esclaves, celle qui « mangeait le plus d’hommes ». C’est ainsi que dans la nuit du 22 au 23 août 1791, une insurrection générale éclata. En quelques semaines les plantations se transformèrent en champs de ruines, des milliers de Blancs furent massacrés.Le commissaire Sonthonax dut décréter l’affranchissement général le 29 août 1793, soit pratiquement un an avant l’abolition de l’esclavage par la Convention, le 4 février 1794.

L’armée indigène dirigée par Toussaint Louverture se rallia à la République pour combattre et vaincre les armées Anglaises et Espagnoles soutenues par les grands planteurs royalistes. En 1796, Toussaint Louverture fut nommé au grade de général de l'armée par la République. Après avoir pacifié le pays, il promulgua en 1801 une constitution. Cet acte paracheva un processus d’indépendance politique initié le 31 août 1798 par la signature d’un traité de paix avec l’Angleterre, qui était toujours en guerre contre la France. Cet accord comprit un volet commercial, qui mit en cause le système de l’exclusif faisant obligation aux colonies de commercer exclusivement avec la métropole.

Ayant toujours considéré Saint-Domingue comme une colonie Française, Napoléon envoya, conformément au décret du 30 floréal an X (20 mai 1802) rétablissant l’esclavage, une expédition de 30.000 hommes sous les ordres de son beau-frère le Général LECLERC pour reprendre possession de l'île et y rétablir l'esclavage. L’arrestation et l’emprisonnement de Toussaint au Fort de Joux (en France) contribuèrent à radicaliser le mouvement indépendantiste.

L’indépendance fut proclamée le 1er janvier 1804, après la dernière victoire sur les troupes Napoléoniennes le 18 novembre 1803 à Vertières, près du Cap-Français (l’actuel Cap-Haïtien)

J-M C: Comment, à travers ces phénomènes de rupture, d’insurrection, de résistance afin de garder un statut acquis, une nation qui va s’appeler Haïti, va émerger sur ce territoire ?

L N P : Depuis 1804 jusqu’à aujourd’hui Haïti porte le fardeau de son histoire.

À cette époque, toutes les puissances occidentales s’entendaient sur un point : le maintien du système esclavagiste. Dans une Amérique sous l’empire de l’esclavagisme, l’exemple d’Haïti devenait quelque chose à étouffer. Immédiatement Haïti fut mis au ban des nations qui ne reconnaissaient pas son indépendance. Autrement dit, la jeune nation se trouva dans un environnement très hostile.

Après vingt ans de pourparlers et de pressions, en avril 1825, Charles X, roi des Français, produit l’ordonnance qui exige d’Haïti le versement de « cent cinquante millions de francs, destinés à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité ». Pressé de toutes parts, le président Jean-Pierre Boyer (1818-1843) dût accepter, sous la menace d’une puissante flotte de guerre, de reconnaître cette dette qui représentait l’équivalent de dix années de cumul des recettes de l’État Haïtien, alors que le roi Henry Christophe hésita pas quelque temps auparavant à faire fusiller sur la place publique l’émissaire français, Franco de Médina, chargé de transmettre la même exigence au royaume du Nord.

Haïti passa tout le 19e siècle à payer cette « dette ». On comprend bien que cette situation globale eut un effet négatif sur le destin d’Haïti. Non seulement la stabilité nécessaire à l’élaboration et la mise en œuvre des politiques d’intégration nationale fit défaut, mais encore les ressources qui auraient dû être affectées à la prise en charge des problèmes sociaux servirent à acheter une indépendance pourtant arrachée par les armes.

J-M C : Malgré tous ces évènements, ces pressions externes,  on assiste à la prise d’autonomie d’Haïti. Peut-on dégager les évènements et les acteurs déterminants dans cette prise d’indépendance ?

L N P : Les grands planteurs furent les premiers à revendiquer l’autonomie de Saint-Domingue. Il faut rappeler qu’ils étaient soumis à une sorte de « despotisme commercial », le système de l’Exclusif, qui les transformait « en fermier du commerce de France », selon l’expression d’Alexandre-Stanislas de Wimpffen. En effet, il était formellement interdit à la colonie non seulement de s’approvisionner ailleurs que chez les commerçants français, mais encore de commercer avec l’étranger. Elle n’était pas non plus habilitée à manufacturer le coton. Les habitants se voyaient dans l’obligation d’acheter leur tissus en coton aux vendeurs métropolitains, et cela, à un prix qui était le plus souvent « extravagant ». On note que la liberté des commerçants était, dans ce domaine, proportionnelle au poids des contraintes déterminées par ces mesures qui pesaient sur les habitants de l’île. Cette frustration des grands planteurs setraduisit par un vaste mouvement autonomiste entre 1788 et 1791.

De leur côté, les « libres » noirs (ceux qui purent obtenir leur liberté, par achat ou par la générosité du maître) et les mulâtres (fils de colons et d’esclaves noires) s’engagèrent dans un mouvement en vue de la reconnaissance de leurs droits civils et politiques. Ils étaient eux-mêmes propriétaires d’esclave.

Enfin, il faut parler des esclaves qui voulaient purement et simplement la suppression de l’esclavage.

J-M C : On peut donc parler d’une véritable prise de contrôle de leurs  situations. Mais malgré leurs intérêts économiques divergents, existait-il une convergence stratégique entre tous ces acteurs ?

L N P : En effet, le système était pesant pour tout le monde. À l’intérieur de ce système régnait une hiérarchisation et chaque groupe faisait subir une pression sur le groupe qui lui était directement inférieur.

Continuellement endettés, en raison de la logique du système de l’exclusif, les planteurs devaient rentabiliser au maximum leurs plantations, donc durcir davantage les conditions de travail des esclaves. Les aménagements forcés des rapports sociaux fondés sur la couleur tenaient les libres en lisière de la société. Or ces derniers détenaient souvent un capital économique aussi bien que culturel. Autrement dit, tous les acteurs du système avaient des motifs de frustration.

J-M C : A-t-on une idée du poids de chacune de ces catégories dans la société de l’époque ?

L N P : Le recensement de 1789 indique 30 831 Blancs, 24 000 libres et 500 000 esclaves.

J-M C : Comment peut-on qualifier le mouvement qui a porté le pays vers l’indépendance ? Guerre de conquête de l’indépendance ou mouvement élitiste qui, à des fins stratégiques internes, renverse le pouvoir en place pour installer une autre domination ?

L-N P : Comme je viens de le souligner, tous les acteurs avaient des griefs contre le système. Toutefois, ils ne partageaient pas les mêmes objectifs politiques.

Les diverses alliances enregistrées dans le cadre de ce mouvement de l’indépendance relèvent davantage de la pure tactique que de la conscience d’un intérêt commun se rapportant à un projet de vivre ensemble. Pour les anciens libres, le rétablissement de l’esclavage remettait en cause les positions sociopolitiques et économiques acquises depuis 1791. D’autant plus qu’ils firent main basse sur les terres des colons blancs en fuite et mirent en place un système quasi-servile : le caporalisme agraire. Il s’agissait d’un corps de règlements édictés entre 1798 et 1801 qui rétablissaient l’économie dans sa forme esclavagiste.

Le ralliement au mouvement des esclaves apparut aux yeux des anciens libres comme le seul moyen efficace de faire échec aux offensives de l’Armée Napoléonienne. Il n’était pas question de mettre fin au système d’exploitation de masse proprement dit. D’ailleurs le caporalisme agraire, niant fondamentalement les aspirations des nouveaux libres relatives aux droits civils et politiques, fut repris et renforcé par les gouvernements successifs après l’indépendance du 1er janvier 1804. Cette négation entraîna le développement des attitudes hostiles de la masse populaire à l’égard de l’État.

J-M C : Système de jeu d’acteurs politiques : militaires et dictatures gardent le peuple, la tête sous l’eau. Est-ce également le fait de la présence de richesses dans le pays ou  l’emplacement stratégique d’Haïti dans un espace américain à forts enjeux qui peuvent expliquer la situation du peuple haïtien et du pays ?

L N P : Au 19e siècle, nous avons vu que l’enjeu était d’étouffer Haïti et son indépendance, éviter ainsi la contagion des mouvements anti-esclavagistes dans la région. Au début du 20e siècle, comme d’autres pays, Haïti fit les frais de l’application de la doctrine Monroe qui légitimait la prétention de la domination américaine sur toute la région. Profitant des troubles politiques intérieurs, les Américains envahirent le pays en 1915. Cette occupation, qui dura jusqu’en 1934, modifia fondamentalement le cours de l’histoire d’Haïti, notamment par la dissolution de l’Armée révolutionnaire et par la mise en place d’une Armée professionnelle chargée de contrôler les masses populaires considérées comme « l’ennemi intérieur ». À partir des années 1960 sa mission s’étend à la surveillance des gouvernements civils tentés par la révolution cubaine.

Tous ces évènements entravèrent les processus de mise en place des mécanismes assurant l’intégration de la société. Au XIXe siècle, toutes les ressources du pays furent affectées à la défense de l’indépendance : paiement d’une indemnité à la France, construction de forts, etc. Le manque de moyens rendit l’État incapable de garantir la redistribution, d’assurer la protection civile et sociale. Absent des expériences quotidiennes de la population, l’État ne su constituer une instance d’identification nationale. D’autant plus qu’il fut accaparé tour à tour par des « cliques » qui mirent ces expériences au service de leurs intérêts particuliers.

L’explosion de la violence dans cette société est en relation avec ce manque de cohésion. L’ouverture du pays au Monde, l’influence croissante des organisations criminelles transnationales et l’expansion de la pauvreté sapent les faibles mécanismes d’autorégulation qui garantissaient jusque dans les années 1970-1980 la stabilité des rapports civils et le maintien des mœurs communes. Il est à noter qu’en 1804, la population était estimée à 400 000. Elle passe d’environ 4 500 000 en 1971 à près de 10 000 en 2004, pour une superficie de 27 748 km2.

J-M C : Vous pensez qu’il n’y a jamais eu de possibilité d’installation d’une institution que l’on appelle État, en Haïti ? N’y a-t-il jamais eu de possibilité pour que cette institution puisse travailler pour aider la population ?

L N P : Il existe bien un État en Haïti, doté d’un appareil de coercition : Police, Justice, Prison, etc. L’existence même de ces régimes oppressifs qui se sont succédé depuis 1804 serait inconcevable en dehors de l’activité de cet appareil.

Il convient de noter que jusqu’en 1915, l’élite avait posé l’État comme moyen de défense de l’indépendance conformément à ses intérêts. Les masses populaires partageaient également cette visée. D’où résultent les efforts consentis en vue d’une part de la reconnaissance d’Haïti sur le plan international, et, d’autre part de l’entretien de l’armée révolutionnaire pléthorique. À cela s’ajoutent l’investissement dans la construction de nombreux forts à travers tout le pays et les aides massives apportées aux révolutionnaires latino-américains. L’unification de l’île par Jean-Pierre Boyer, entre 1822 et 1843, et les diverses tentatives pour rétablir cette unification, s’inscrivent dans la même logique. On peut dire que l’État mis en place au lendemain de l’indépendance était davantage un État militaire qu’un État politique. C’est ce qui explique la permanence des militaires au pouvoir jusqu’à l’occupation américaine en 1915.

Mais les fonctions de l’État sont progressivement ramenées à la défense exclusive du pouvoir du chef de l’État qui poursuit ses intérêts personnels. Ces processus sont initiés à partir des années 1950, notamment, avec l’accession des Duvalier au pouvoir (1957-1986). Ces conceptions parviennent à leur paroxysme avec Jean-Bertrand Aristide qui transforme finalement l’État en une association de malfaiteurs. La crise politique que connaît Haïti actuellement se rapporte notamment à la perte de sens de l’État.

J-M C : Quelle évolution pour Haïti ? Etes-vous optimiste ? Pessimiste ? Quelles sont les faiblesses et les potentialités de votre pays ?

L N P : Cette situation pourra durer encore longtemps, s’il n’y a pas une prise de conscience de la situation. Haïti est un pays extrêmement riche humainement et culturellement. Mais la faiblesse de ce pays réside dans les difficultés à entreprendre une action collective.

Les plus grands ennemis des Haïtiens sont la méfiance réciproque, l’absence d’esprit coopératif, la mentalité défaitiste et la culture de l’échec collectif. Autrement dit, les Haïtiens ne s’identifient pas assez les uns aux autres et n’ont pas suffisamment d’expériences de succès collectifs (en dehors de la révolution de 1804) pour s’engager ensemble dans un projet d’avenir, comportant des coûts et des risques : sacrifices personnels, défections des partenaires, erreurs de jugements, échecs, etc. L’engagement sociopolitique relève non pas d’un calcul rationnel rigoureux relatif au gain et au profit personnel ou à la certitude du succès, mais de convictions partagées. Ce sont ces convictions qui nous font défaut.

À mon avis, la solution à long terme ne peut provenir que de la dynamique d’un système éducatif. Il faudrait pouvoir prendre les enfants très tôt, dès la maternelle, leur apprendre à élaborer et réaliser collectivement de petits projets. Ces objectifs pourraient être poursuivis aux niveaux secondaire et supérieur. Cela pourrait consister en un travail d’intérêt général, dans un cadre collectif. En un mot, outre la garantie d’une formation intellectuelle de haut niveau, le système de l’enseignement doit assurer l’apprentissage des jeunes à la vie collective en développant chez eux le sentiment de leur responsabilité réciproque. Il faudra aussi impliquer dans ce projet les autres structures de socialisation : les associations, les médias, les églises, etc.

L’indifférence des élites à l’égard de la déchéance sociale des masses populaires traduit en fait une chose : l’absence du sentiment de solidarité nationale. Ces attitudes amorales contrastent avec le sens de la famille, du devoir de solidarité envers les proches. Mais quand on quitte ce cadre primaire, l’État et la société deviennent des choses abstraites. Cela est valable aussi bien pour celui qui ne sait ni lire ni écrire que pour celui qui a tous les diplômes possibles et imaginables. Ces comportements traduisent un défaut de socialisation orientée selon les impératifs du vivre ensemble.

J-M C : Qu’en est-il du vécu Haïtien ? De la  dynamisation ou de la re-dynamisation de l’appartenance Haïtienne ?

L-N P : Les Haïtiens gardent l’esprit des aventuriers européens, avec ce que cela comporte de bravoure et de courage. C’est ce qui explique leur goût de l’émigration et leur réussite personnelle dans les sociétés d’accueil : Etats-Unis, Canada, France, etc. Le seul problème demeure chez eux la conscience du devoir envers la collectivité à laquelle ils appartiennent ou dont ils sont issus.

J-M C : Quel regard portez-vous sur Haïti ? Un regard nostalgique ? Un pays dont on rêve même s’il a des problèmes ? Souhaitez-vous créer le lien social qui manque ?

L N P : Je suis très actif dans les milieux associatifs. Je me rends compte qu’il faut s’engager et ne pas uniquement constater, ne pas attendre le retour au pays pour dire que « je vais faire ceci ou cela ». Le pays commence ici.

Ce qui manque dans la société Haïtienne c’est l’engagement social et politique. On pense généralement que servir son pays c’est occuper une fonction officielle, en particulier la fonction « Présidence » ! Servir son pays, c’est aussi être là, contribuer à l’animation de la communauté.

Il a émergé au cours de ces cinquante dernières années des figures comme Duvalier, Aristide, et autres « gens de sac et de corde » ayant occupé une position de pouvoir. Ils ont exercé une influence déterminante sur les jeunes générations. Les conceptions anti-sociales qu’elles incarnent se rapportent à un certain mépris de l’intérêt national aussi bien que des citoyens. La banalisation de la corruption dans toutes les sphères de la société découle davantage de l’influence de ces conceptions de flibuste partagées que de la misère sociale elle-même, qui pousserait les acteurs à vouloir s’enrichir par tous les moyens efficaces. Celle-ci ne corrèle pas nécessairement avec la corruption.

Il va de soi que ces conceptions amorales, voire immorales, ne peuvent être mises en cause que par l’affirmation et la diffusion d’autres conceptions de la chose publique, des droits et des devoirs de chacun au sein de la société, de la responsabilité individuelle et collective.

De ce point de vue, il s’avère nécessaire de mettre en place le cadre institutionnel de l’émergence et de l’expression des figures significatives incarnant ces modèles concurrents. Il s’agit en substance de stopper l’émigration massive des membres de la classe moyenne et d’encourager le retour au pays de ceux vivant à l’extérieur, donc de créer les conditions du développement d’un rapport numérique favorable au civisme et au patriotisme.

Les politiques menées par Jean-Claude Duvalier (1971-1986) et les néo-duvaliéristes (1986-1994), renforcées par Jean-Bertrand Aristide au cours de son second mandat (7 février 2001 au 29 février 2004), aboutissent à une configuration où les bandits, les contrebandiers et les entrepreneurs mafieux dominent la sphère supérieure de la société et de l’État. Un tel rapport est défavorable au maintien de certaines valeurs de référence, telles que : la loyauté, l’honnêteté, le sens de l’intérêt général. Aucune tentative de modernisation de la société et de l’État ne peut aboutir, en dehors du renversement de ce rapport numérique.

On oublie qu’Haïti a été une puissance régionale pendant la première moitié du XIXe siècle. Dans le domaine culturel, ce pays a occupé une position de premier plan jusque dans les années 1950 dans la Caraïbe. C’est l’époque où tous ceux qui comptaient dans le monde artistique, littéraire et musical, y séjournaient et s’y produisaient. Autrement dit, Haïti a les ressources socioculturelles pour rebondir. La question est : comment établir les rapports favorables à l’exploitation de ces ressources et vaincre la méfiance réciproque qui entrave la mobilisation nationale autour d’un projet à long terme.

J-M C : Quel est l’avenir politique d’Haïti ?

L N P : L’avenir n’est pas un chemin déjà tracé qu’il suffit à un acteur, individuel ou collectif, de suivre. Il est le produit de l’action personnelle et impersonnelle, de la représentation qu’on se fait des contraintes et des ressources, des évènements favorables ou défavorables, de l’habileté avec laquelle on les utilise, etc. Donc l’avenir est en soi imprévisible.

Tout ce qu’on peut faire c’est recenser les atouts existants. Haïti possède quelques atouts, notamment la prédisposition au changement de la masse populaire et d’une part très conséquente de la classe moyenne. Le soutien des secteurs progressistes de la communauté internationale s’avère également un atout majeur. Les contraintes sont de deux ordres : d’une part l’hégémonie politique des acteurs de l’économie souterraine et criminelle ou de racket se présente comme un obstacle très important, d’autre part la conditionnalité des institutions financières constitue un carcan pour les décideurs publics, qui n’ont pas la latitude nécessaire à la prise de décisions adéquates en matières économique, financière et sociale. La phase de construction d’une société et d’un État politique comporte des impératifs politico-économiques et socioculturels qui s’écartent quelque peu de la logique de marché. Dans ces conditions, l’avenir politique d’Haïti dépendra de la clairvoyance, de l’habileté et des compétences politiques des élites du pouvoir.

Chiffres clés :

BBc News

Banque Mondiale


De riches compléments :

REZO.NET
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Le système de l’Exclusif auquel était soumis la colonie de Saint-Domingue reposait sur une formule assez simple : « tout part pour la Métropole ».Il s’articulait autour de trois mesures fondamentales :

  • Le droit attribué au commerçant français d’approvisionner exclusivement les colonies ;
  • Celui d’en exporter seul les productions ;
  • L’interdiction faite aux habitants de manufacturer le coton.

Alexandre-Stanislas de Wimpffen, Haïti au XVIIIe siècle : Richesse et esclavage dans un colonie française, 1993, Karthala, p.104).

 



Màj : 3/10/07 17:25
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